« Je ferme les yeux. J’éprouve ce très ancien sentiment.
La vérité de la connexion, toutes les cordes invisibles qui nous accordent
et toutes les façons dont nous appartenons les uns aux autres. »
– Megan King
LE TDI, DE QUOI ON PARLE ?
TADAAAAAA. Si vous êtes ici, c’est que de près où de loin, le sujet vous intéresse. Avant d’aller plus loin, il est pour moi primordial que vous soyez sûr·es de pouvoir regarder les vidéos qui vont suivre et lire l’article en entier. Ça va être long, prenez un petit thé, ou une limonade bien fraîche, et asseyez vous, ça va décaper. Bien évidemment, bon nombre de personnes ont déjà parlé du TDI, c’est pourquoi pour comprendre de quoi il s’agit je vais tout simplement REPOSTER LEUR VIDEO ici, comme la bonne grosse flemmarde que je suis qui va profiter du contenu et de la vulgarisation offerte par d’autres. Dans un premier temps, le voyons ce qu’il se passe de manière scientifique sur le fonctionnement métacognitif (la métacognition consiste à avoir une activité mentale sur ses propres processus mentaux, c’est-à-dire « penser sur ses propres pensées ») du Tdi avec une vidéo de Psychocouak.
Bien. Maintenant que c’est fait, vulgarisons la manifestation dans le cerveau et la création des différentes identités où « alters » avec Zelliana.
Et voilà, on a les bases.
Il est temps. Adèle a voulu qu’on mette les lunettes sur notre nez, ça veut dire que c’est du sérieux. Je voulais qu’on peigne moi, ce soir, mais on me disait « Non non, ce soir, on écrit enfin ce putain d’article. » La vulgarité, pardonnez, c’est Ellie. J’ai pris mon collier à mastiquer, parce qu’écrire cet article, ça me stresse. Je sais pas bien si ça me stresse moi, ou si ça stresse Timy, ou peut-être Maya. Aïdée, elle, elle est toujours joyeuse et partante. Angie s’en fout je crois. La Goule me presse, elle a marre de souffrir de solitude, elle en a marre que je les ignore.
Un florilège des phrases entendues dans ma vie : « Arrête de faire comme si t’étais pas toute seule ! », « Ah ouais, t’es perchée toi .. », « Tu fais peur sérieusement. », « Ah ouaaais, t’es pas toute seule dans ta tête toi ! »
Bien sûr que non je ne suis pas toute seule, et si j’arrêtais de mentir deux minutes, je dirais même que je le sais depuis longtemps. Bien avant ce foutu papier de diagnostique qui m’est tombé entre les mains en Février dernier. J’ai pris ça comme une information – hop là, on va mettre ça de côté, c’est qu’un détail hein, on s’en occupera plus tard. Mais plus tard est arrivé, il est temps d’assumer.
L’autisme, c’était déjà un bon morceau. Heureusement, on en entend de plus en plus parler, on est de plus en plus représenté·es, visibles. Le TDI①, aaaaarf, on est sur autre chose là. Je suis pas née comme ça, non. On a brisé le cerveau d’un·e enfant. Voilà, globalement, c’est ça l’histoire. Peut-être qu’un jour j’écrirais « Le TDI pour les nul·les », avec une définition, des trucs sourcés, des graphiques. Je l’avais fais pour le TSA. Mais là de suite, non, je l’sens pas. J’ai envie de parler des autres, d’elles et d’eux, de ma team, j’en ai besoin. Ça fait trop longtemps que je suis sur le devant de la scène, comme si j’étais une rock star. Mais toute mon équipe technique, qui leur rend les honneurs, si je ne les nomme pas ?
J’ai fais un rêve il n’y a pas longtemps. Enfin, pas vraiment un rêve, une transe, un truc bizarre. J’ai aperçu un nouvel alter②, ça aurait pu être Timy, mais je ne crois pas, je ne sais pas. Un enfant, de dos, les mains ensanglantées, des vêtements en haillons, qui ne voulait pas me parler.
D’ordinaire, ils et elles me parlent. C’est comme ça, depuis que j’ai 9 ans, j’entends des voix dans ma tête. J’ai des discussions super longues avec elles. Ça me parait normal à moi, tout le monde n’est pas comme ça ?
J’aurais aimé en parler plus tôt, comprendre plus tôt, mais vous savez, la société est terrifiante avec nous. Être fou, être folle, c’est la dernière chose qu’il doit vous arriver. On vous taxera de personne possédée, de tarée, dingue, perchée, psychopathe, et j’en passe.
Je ne savais pas, alors je dessinais. Ma seule porte de sortie, déjà que l’autisme ne m’aidait pas. Toutes mes voix me hurlaient des messages à l’intérieur du crâne, faisaient vibrer ma peau, j’ai dessiné et peins sans jamais m’arrêter pendant des années, ça a toujours été mon moyen de communiquer. J’ai souvent cru que je volais les honneurs à quelqu’un, parce qu’honnêtement, quand je peins, je crois que ce n’est pas moi qui peins, pas vraiment. Je crois que c’est Timy, c’est lui l’artiste, il a une très forte intuition, un geste assuré et il adore composer avec les couleurs et les textures. Quand je peins, c’est le moment où tout le monde discute. Ça se balance des questions et des réponses dans tout les sens. Maya, la little③ de notre système④, intervient aussi souvent. Elle apporte une touche d’art naïf, surement. Elle est trop mignonne Maya. Ah oui, parce que vous ne le saviez pas, mais chaque alter arrive avec son prénom ! Il a aussi son propre physique, son propre âge, une orientation sexuelle, une identité de genre. J’ai des gens dans la tête, quoi. Chez moi, tout le monde est autiste. C’est notre neurologie, elle est commune. Par contre, nous n’avons pas le même autisme, chacun·e avec son développement a bidouillé comme iel a pû, et se trouve un endroit du spectre différent.
Globalement, mon système est très sympa. J’aime m’imaginer la petite Angèle, avant ses 9 ans, celle qui n’était pas splitée⑤, et je m’imagine toutes mes personnalités comme une arborescence de qui elle a été. C’est rassurant parce que comme ça, je ne me sens pas perdue. J’ai seulement été découpée en pleins de morceaux, et chaque morceau a évolué.
C’est vrai, je ne peux pas mentir, certains alters portent des souvenirs très traumatisants. Parfois c’est moche, violent, et terrifiant. J’ai déjà dû aller à l’hôpital psychiatrique à cause de la Goule. Elle était dans une période difficile, elle a craquée, elle a voulue que je me fasse du mal. Moi je suis persuadée que si j’avais eu le droit de parler d’elle avant, ça ne serait pas arrivée. C’est le tabou de la santé mentale et la psychophobie qui nous font souffrir. Nous, sinon, on va relativement bien.
Mais c’est qui, nous ?
Moi, c’est Angèle, je suis agenre, pansexuelle, autiste verbale et sans déficience intellectuelle et j’ai 31 ans. J’écris et je peins en canalisant les émotions de toustes mes alters. J’ai souvent l’impression d’être ça, un canal, une messagère, un passage entre ceux qui sont en moi et puis l’extérieur. Je suis généralement au front⑥, c’est moi qui m’occupe du corps la plus part du temps, qui gère le quotidien, en tout cas, je sais que je fais tout pour, et que je suis même un peu en train de nous empêcher d’être épanoui·es, à force de ne pas vouloir leur laisser plus de place que ça. J’ai peur de disparaître au profit des autres. Alors que je sais que ça ne marche pas comme ça.
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Ensuite, il y a Timy. C’est un garçon, à tendance non binaire. Je l’aime tellement, il m’a sauvé la vie vous savez. C’est la première personne que j’ai entendu, j’avais 9 ans. Il m’a soutenu, permis de rester pragmatique, lucide, ordonnée, il est autiste non verbal, quand il prend le contrôle du corps et doit s’exprimer, on dirait un peu un robot. Il est hypersensible, parfois je le soupçonne d’être un peu médium, il sait souvent pleins de trucs à l’avance, je me fies à ces intuitions. Je l’adore. Timy m’a sauvé la vie. Vraiment. Je le soupçonne d’être un alter ageslider⑦, il est brun, à les cheveux en batailles, et ces yeux sont deux immenses orbites noires. Il n’a pas de regard parce qu’il n’en a pas besoin. C’est quelqu’un de très sage, un garçon asexuel, qui ne s’intéresse vraiment pas aux futilités. J’éprouve énormément de gratitude pour lui. C’est un des alters qui front le plus souvent, généralement lorsque je suis dépassée par nos émotions.
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Maya a entre 4 et 6 ans. Elle est blonde, à des cheveux bouclées, des yeux claires. C’est une vraie « petite fille. » Elle adore les tortues, les peluches, son rêve ultime c’est d’avoir un grand frère, alors elle projette souvent sur les garçons de mon entourage ce grand frère qu’elle n’a pas eu. Elle est extrêmement gentille, soucieuse, elle aime la vie, adore que les gens soient heureux, elle aime leur faire plaisir à sa façon. Elle laisse des petits mots et des petits dessins, c’est ce qu’elle préfère, offrir aux autres. Elle a besoin d’être rassurée, souvent. C’est une petite crème, toute mignonne, qui front de temps en temps, rarement seule car nous avons malheureusement encore honte de nous retrouver à avoir des comportements d’enfants. On y travaille.
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Ellie ne souhaite pas que je parle d’elle, alors je respecte sa décision.
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Angie est une femme cisgenre bisexuelle, c’est une alter sociale, là pour assurer les relations avec les autres, faire la conversation, rire, entretenir du lien et elle adore la danse. Pendant les 4 années où j’ai fais de la danse, elle était quasiment tout le temps là. Elle a entre 17 et 21 ans je dirais. Elle adore faire la fête, danser, boire du rhum, les copain·es. Elle est née lors de mon adolescence et est, je crois, depuis mes 22 ou 23 ans, en dormance⑧. Son autisme se rapproche du mien, mais elle a beaucoup moins de mal avec la socialisation et se fiche un peu des codes de la société.
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Même chose pour Aïdée, une fille cisgenre hétérosexuelle, c’est une alter sociale adolescente, d’environ 15 ans, accrochée à ses origines réunionnaises. Elle est également en dormance.
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Adèle est une jeune femme cisgenre et hétérosexuelle d’environ 34 ans, elle est lucide, très douce, calme et patiente. Elle me fait penser à une tante ou une grande soeur. Elle aime prendre soin du corps, se faire jolie, se maquiller, porter de belles tenues. Elle a été au front pendant quelques jours suite au début de mon traitement (Je prends des anti-psychotiques qui m’empêchent d’avoir toutes leurs voix en cacophonie dans ma tête), et c’était très agréable. Elle à la sagesse et la gentillesse d’une personne très maternelle. Elle est très calme par rapport à son autisme, on dirait qu’elle l’a déjà acceptée, compris et drapé d’un voile bienveillant depuis longtemps.
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La Goule, est un alter fantastique⑨, elle est effrayante et persécutrice envers le corps. Elle a fronté plusieurs fois l’année dernière et c’était tout sauf agréable. Elle est non verbale mais m’envoie des pensées parasites dans la tête en cas de crise de panique.
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Actuellement, nous soupçonnons un nouvel alter, celui dont je vous ai parlé plus haut. Il s’appellerait Otis, serait un little non verbal et porterait sans aucun doute des souvenirs très traumatiques en lui.
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Voilà. Vous savez tout. Je fais mon coming-out Tdi, je vous présente mon système. La boule au ventre, la peur d’être illégitimée, non reconnue, invalidée, rejetée. Il fallait bien que ça finisse par arriver un jour, je ne suis pas seule, nous sommes nous. Pour le meilleur et pour le pire
Je ne veux plus nous cacher. Tant pis pour les peureux·ses, les superstitieux·ses, les psychophobes, les validistes. Tant pis pour celleux qui ne croient pas aux formidables capacités du cerveaux, qui a fait son job quand je ne pouvais plus supporter autant de douleurs et de traumas en étant enfant. J’ai fais de mon mieux, il a fait de son mieux. Et surtout, surtout, je ne suis coupable de rien. Je suis née autiste, j’ai développé un Tdi. Et il est temps que j’en sois fière. Que je sois fière de nous.
① : Le Trouble Dissociatif de l’Identité, anciennement appelé « Trouble de la personnalité Multiple », est une condition mentale complexe caractérisée notamment par des symptômes dissociatifs, la présence d’au moins deux identités pouvant prendre le contrôle exécutif de la conscience et du corps et une mémoire lacunaire. Le TDI regroupe généralement les caractéristiques des autres troubles dissociatifs (dépersonnalisation, amnésie, …). Il est le résultat d’un mécanisme d’adaptation lié à un vécu traumatique durant l’enfance. Il est étroitement lié aux troubles d’origine traumatique, tels que le trouble de stress post-traumatique et le trouble de stress post-traumatique complexe. On dit d’une personne ayant un Tdi qu’elle est un système.
② : Un·e alter et une « identité alternante » , ce mot fait référence aux différentes identités au sein du système.
③ : Un·e little est un·e alter enfant au sein d’un système.
④ : Un système est le qualificatif donné à une personne ayant un Tdi.
⑤ : Un split est le nom donné à la séparation d’un alter, qui peut se fendre pour donner par exemple deux ou plusieurs alters.
⑥ : La personne au front est la personne étant au commande du corps.
⑦ : Ageslider se dit d’un alter dont l’âge peut varier, qui ne possède pas un âge fixe.
⑧ : Un alter inactif, qui n’est pas apparu depuis une durée assez longue, est considéré comme un alter en dormance.
⑨ : Le cerveau piochant dans ce qu’il connait pour créer les alters dont il a besoin, il est possible de créer des alter féériques, fantastiques, non humains.